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Interview : bras de fer entre le Patrimoine Bâti Public et Mama Kalas qui s’explique !

La Journaliste Mama Kalas Traoré se dit indignée par un  problème qui l’oppose à la Direction Générale du Patrimoine Bâti Public ! Forcée de libérer la maison qu’elle habite avec ses frères depuis le temps de la révolution en Guinée, l’ancienne présentatrice de la célèbre émission « PARADE » s’est prêtée à nos questions. Lisez !

Dites-nous depuis combien de temps vous occupez cette maison mise en cause ?

Nous occupons cette maison depuis sous la première République. Mon père a été arrêté et après sa libération, feu président Ahmed Sékou Touré lui a affecté ce bâtiment. Tous nos frères sont nés ici. Quelque temps après, mon père a pris sa retraite et puis, il est décédé. Du coup, on a entrepris des démarches au Patrimoine Bâti et c’est M. Gomez qui était le directeur. Alors, depuis cette date, on a mis ce bâtiment au nom de mon grand frère Namory Traoré. Et jusque-là, nous continuons à payer normalement le loyer. Sauf que depuis un certain temps, nous sommes persécutés par la direction du Patrimoine Bâti Public.

D’abord, il y a quatre ans, ils étaient venus avec des gendarmes, et tomber sur nos voisins. Puisque c’est une maison jumelée. Ils ont raclé toute la toiture, cassé toutes les portes et fenêtres.

Nous n’avons jamais reçu un préavis de déguerpissement mais, plutôt des convocations qu’ils ils appellent invitations. Mais comme c’est des invitations vraiment musclées, je préfère donc appeler convocations. Parce qu’une personne avec laquelle, tu as signé un contrat dans les règles de l’art, tu n’as pas besoin de déplacer des gendarmes pour l’inviter à se présenter.

 

Est-ce qu’il y’a un contrat qui vous lie à la Direction Générale du Patrimoine Bâti Publique ?

Bien sûr ! Nous avons tous les documents du contrat ( Aussi, avons reçu une copie NDR).

 

Vous avez été reçus dans les locaux du Patrimoine Bâti Public. Expliquez ce qui s’est passé?

Pour une première fois, j’ai été reçue par celle qui se dit, Directrice Adjointe, Mme Diawara Koultoumy Camara. Quand je suis venue, j’ai compris que c’était un peu plus sérieux. Parce qu’au lieu que je me dirige à la Gestion, pensant que c’est une histoire d’arriérés, on m’a conduit dans le bureau de la DGA.  J’ai vu des travailleurs du Patrimoine Bâti rentrer un à un. A l’époque, c’est Moustapha Naîté qui était le directeur. Devant un staff au complet, je ne me retrouvais pas, puisque chacun intervenait.

Mme Koultoumy a pris la parole. Elle me dit que le gouvernement n’a pas de moyens de réparer toutes ses maisons qui sont en état de délabrement aujourd’hui à Conakry. Donc, que le Président veut faire un toilettage et que le Patrimoine Bâti est mandaté de chercher des bailleurs de fonds pour pouvoir reconstruire ces maisons de l’Etat.

 

Justement, selon vous, qu’est-ce qui a occasionné le délabrement de la maison que vous habitez depuis plus de 30 ans ?

Belle question ! Par rapport à cet état de délabrement, moi je les ai rendu responsables. Parce que dans ce contrat, il est stipulé dans l’article premier que : le preneur ne peut donner aux locaux loués  d’autre usage que celui convenu entre les deux parties.

Le preneur s’engage pour l’entretien du carrelage, de la chape, des peintures intérieures et badigeons, vernis des boiseries, portes et fenêtres ; la réparation des conduites intérieures d’eau, d’électricité et sanitaire. Le bailleur prend à sa charge, les grosses réparations dont il sera avisé en temps utile à savoir, la dalle, la toiture et la peinture extérieure.

Dites-nous  est-ce que le Patrimoine Bâti a-t-il honoré ses engagements que vous venez de citer plus haut ?

Non ! Depuis que nous, nous sommes dans cette maison, il y’a une quarantaine d’années, il n’y a eu aucune intervention du Patrimoine Bâti. Et celui qui peut apporter un démenti, qu’il vient ou que vous nous confrontez. Même une petite pointe, le Patrimoine Bâti n’a pas mis sur cette maison depuis une quarantaine d’années.

Malgré tout ça, nous payons régulièrement le loyer. Mais tous les travaux d’entretien ont été toujours assurés par nous. La direction du Patrimoine Bâti a fui ses responsabilités, a démissionné de sa mission car, elle ne s’est jamais occupée de cette maison. Mais par contre, si tu restes sans payer le loyer  pendant un seul mois, il faut voir le contingent qui débarque.

Une maison qui n’est pas entretenue, évidemment, tombe en ruine. Et c’est des pauvres fonctionnaires qui habitent dans ces maisons. Ils ne peuvent pas payer le loyer, entretenir à la fois,  l’intérieur et l’extérieur de la maison. Ce n’est pas possible. Donc, si ces maisons sont dans cet état de délabrement, c’est eux les responsables.

 

Concrètement, est-ce que le Patrimoine Bâti vous a fait une proposition pour libérer cette maison ?

Lors de nos dernières rencontres, je leur ai dit qu’on ne refuse pas de quitter cette maison. Mais qu’on demande que les procédures soient respectées.

Au cours de notre entrevue, le Patrimoine Bâti nous a proposé 50 millions de francs guinéens pour libérer les lieux. Chose qu’on a catégoriquement refusé.

C’est ainsi que moi je suis allée voir M. Naité, ancien Directeur Général du Patrimoine Bâti. Mais le problème est toujours resté sans suite.

Après, la Dame Koultoumy m’a fait une autre proposition, celle de remettre à moi seule, 100 millions de francs guinéens. Puisque nous sommes trois familles à occuper cette maison. Encore, j’ai refusé cette corruption. Et on en a plus reparlé.

 

Quelle a été la suite de ce problème ?

Il y’a quelques mois, on a encore reçu la même convocation, et on m’a fait les mêmes propositions. La même directrice et le même staff se sont mis autour de moi. Mais j’étais déjà avertie et je connaissais déjà la chanson.

La Dame Koultoumy m’a dit qu’ils n’avaient pas les moyens de leur politique, que c’est pourquoi, ils avaient laissé tomber ce problème à un moment. Mais que cette fois-ci, l’argent est prêt. Que si je donne mon feu vert, qu’ils sont prêts à me remettre le chèque.

Je les ai répondu que je ne suis pas sensée de prendre ce chèque. Que j’irai faire le compte-rendu à mes parents. Ce qui fut fait. Mais entre-temps, j’ai tenté de régler ce problème humainement. Je suis allée voir la femme de l’actuel Directeur du Patrimoine Bâti, qui est une amie. Je lui ai dit qu’on n’a pas où aller et que ça va être compliqué pour nous de construire actuellement.

Ensuite, il y a deux ou trois semaines, on a vu des agents du ministère de l’habitat parce que la magouille est forte. Je crois que même le ministère de l’habitat joue un jeu dans cette affaire.

Les bâtiments appartiennent  au Patrimoine Bâti mais, le terrain appartient à l’habitat. Donc, si  les deux  ne se mettent pas ensemble dans la magouille, ça ne peut pas marcher.

J’en viens. Chez nous, ils sont rentrés dans nos maisons, ils ont commencé à voir les chambres, et les toilettes après ils ont quitté. Moi j’étais couchée et c’est leur bruit qui m’a réveillé.

Quelques jours après, il y’a un huissier qui m’appelle pour me dire, de venir prendre mon chèque, qu’il est prêt. Je lui ai dit que je vais envoyer mon avocat. Parce que cette maison là, ce n’est pas à travers un huissier qu’on l’a eu mais plutôt, par voie officielle. Et depuis là, on ne m’a pas appelé.

 

Il parait que les gendarmes ont pris d’assaut le lundi dernier, votre habitation. Vous confirmez cette information ? Si oui, qu’est-ce qui s’est passé ?

Oui c’est vrai ! Il y’a une cargaison musclée qui nous a réveillé le lundi dernier. Deux jupes remplies de gendarmes et cinq (5) autres véhicules aussi. Ils étaient au total une cinquantaine. Ils avaient d’ailleurs encerclé la maison et bloqué les deux grandes voies de notre ruelle et d’autres ont envahi notre cour. L’on a l’impression qu’ils étaient venus chercher des criminels.

Je n’ai jamais été aussi humiliée, aussi insultée, persécutée que ce jour. Et tout le quartier était sorti pour regarder. On peut humilier comme ça des fonctionnaires qui ont travaillé dans la dignité et dans l’honneur pendant plusieurs années ? J’animais une émission qui était très connue à l’époque « PARADE ». J’étais la star des samedis. Donc, dire que moi j’ai formé un groupe de rebelles pour menacer les agents du Patrimoine Bâti, ce n’est pas moi ça. Ça ne me ressemble pas. Je ne peux pas être à la base de la destruction du pays.

Ils ont donc envoyé une cinquantaine de gendarmes pour peut-être m’effrayer. Parce que tout simplement, ils veulent brader la maison ? Parce qu’ils ont déjà pris des milliards avec un privé qui les harcèle ? Parce qu’ils veulent simplement satisfaire leur soif d’argent ? Parce qu’ils ont besoin d’entretenir leurs millions de maîtresses et leurs enfants à l’étranger ? Et pour ça, il faut qu’on nous humilie ?

La Direction du Patrimoine Bâti est pourrie à cause de cette Dame Koultoumy qui se prend DGA alors qu’elle ne figure même pas dans le cadre organique de cette direction. Allez-y vérifier.

 

Comme vous reconnaissez que cette maison ne vous appartient pas. Etes-vous prêtes à la libérer ? Et dans quelles conditions souhaitez-vous céder ?

Il y’a un projet de construction et d’aménagement de Conakry prévu par l’Etat guinéen. Il y’a 50 000 bâtiments qui vont être construits à travers le pays dont 12 000 à Conakry. Dans ce cas, je suis prête à suivre une règle générale qui frappe tout le monde à la fois. Là, je suis prête à libérer puisque cette maison ne nous appartient pas. Mais il faut qu’il y ait des mesures d’accompagnement dignes de nom. Mais pas avec des militaires pour nous chasser comme si nous sommes des malfrats.

Donc, je suis aujourd’hui là, déterminée. Je ne vais pas m’accaparer du bien de l’Etat. Moi je suis celle qui pense que Conakry peut devenir la perle de l’Afrique. Pour preuve, j’ai créé une ONG qui s’appelle : « Guinée, Perle de l’Afrique » qui fait l’assainissement. Je suis patriote, je ne suis pas mercantile, ni corrompue, ni dans la malversation.

Au Patrimoine Bâti, je sais que c’est un règlement de compte. Sinon, nous ne sommes pas les seuls à occuper la maison de l’Etat. Parce que notre maison a une disposition qu’ils aiment ? C’est-à-dire, en face du Musée National. Tandis que les autres sont en face du voisinage populeux.

Est-ce qu’on peut vider un fonctionnaire de l’Etat au profit d’un privé ou d’un étranger ? Moi je suis fonctionnaire de la hiérarchie  »A » ainsi que mes grands frères qui sont des Ingénieurs.  D’ailleurs, au début, la directrice a dit que c’est le président qui veut construire sa maison de la presse ici. Ce qui est faux.

Quel est alors, votre cri de cœur ?

Il faut que l’Etat revoie bien la situation du Patrimoine Bâti. Moi je peux parler pour me défendre. Et ceux qui ne peuvent pas parler ? Que l’Etat fasse de cette affaire, un problème crucial. On parle de l’électricité aujourd’hui. Mais si tu n’as pas de maison, est-ce que tu peux parler de l’électricité ? Donc, le bâtiment est plus important que tout, à part la nourriture.

Si le gouvernement ne cherche pas à prendre à bras-le-corps cette affaire du Patrimoine Bâti, une direction corrompue, finira par brader tous les biens de l’Etat à des particuliers à travers des baux de 90 ans. Et qui sera là d’ici à cette date ? C’est pourquoi je me bats, sinon cette maison ne m’appartient pas, je sortirai. Mais il faut respecter la forme et les citoyens. Il ne faut pas qu’ils pensent à eux seuls et à leurs familles. Mais qu’ils pensent aussi à ces pauvres fonctionnaires qui ne vivent que de leur sueur.

Si le Président peut lire cette interview, je lui demande humblement de voir ce problème, se pencher sur cette affaire de logements sociaux. Le logement est un problème sensible, il est aussi important que l’électricité et autres.

Donc, Monsieur le Président, nous vous demandons de jeter coup d’œil au Patrimoine Bâti qui fait pleurer des pauvres fonctionnaires. Je parle au nom de toutes les personnes qui sont dans la même situation que moi et qui ne peuvent pas se défendre.

 

Merci Mama Kalas pour cette interview

C’est moi qui vous remercie !

 

Propos recueillis par Camara Fodé Sita

ScoopGuinée et Régional Info Guinée

 

 

 

 

 

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