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Conflit domanial à Siguiri : une affaire de plusieurs hectares au cœur d’un litige foncier entre la famille Sikafodela à celle de Gninantèninna

Dans le village de Djoma Tiguibery, un important conflit domanial oppose actuellement deux familles : celle de Sikafodela et la famille Gninantèninna, autour d’un vaste terrain de près de 100 hectares situé dans la préfecture de Siguiri, à des centaines de kilomètres de Conakry.

 

Le litige oppose, d’un côté, la famille Sikafodela, qui affirme que le terrain leur appartient de manière coutumière depuis plusieurs générations, et de l’autre, la famille Gninantèninna, qui bénéficie de documents d’attribution après des décisions de justice rendues par le tribunal de Siguiri, la cour d’appel.

Face à cette situation, la population locale dénonce une expropriation illégale, sans consultation préalable ni indemnisation équitable, et accuse certains responsables locaux et judiciaires de collusion avec la famille Gninantèninna.

 

Cette zone, historiquement utilisée pour l’agriculture par les grands-parents de la famille Sikafodela, est aujourd’hui menacée de récupération par d’autres personnes. La famille parle d’un complot monté de toutes pièces dont elle serait victime, et réclame la restitution du domaine de leurs ancêtres.

 

Joint par téléphone par notre rédaction, Souleymane Keita, l’un des héritiers de la famille Sikafodela, affirme :

« C’est un héritage que nos parents nous ont laissé. Ce domaine nous appartient depuis la création de notre village. On y avait des manguiers et des anacardiers plantés. À notre grande surprise, une autre famille est venue revendiquer la propriété du domaine. Mais sur le terrain, ils n’ont rien planté qui prouve qu’il leur appartient. Alors que nous, nous avons les preuves, notamment des images des plantations. Tout le village peut en témoigner. »

 

À la question de savoir s’ils possèdent des documents légaux telle qu’une donation ou un titre foncier, notre interlocuteur répond que le domaine a été acquis par leurs grand parents depuis l’installation du village et ils sont coutumiers.

 

« L’acquisition de cette terre remonte depuis l’implantation de notre village et nous l’avons acquiert par l’intermédiaire d’aucune autre personne si ce n’est nos parents. Nous ne disposons pas d’acte de cession ni de titre foncier, cependant nous sommes les coutumiers exerçant librement et paisiblement leur droit sur domaine depuis la création du village jusque maintenant. Tout le village sait que ce domaine nous appartient. Ceux qui se disent aujourd’hui propriétaires n’ont ni acte de cession, ni titre foncier encore moins une quelconque trace ou preuve d’occupation. Ils se prévalent seulement des décisions de justice que nous contestons vivement. Afin d’effacer toutes nos traces et celles de nos parents sur le site et laisser place à la confusion pour d’éventuelles enquêtes, ils sont allés détruire nos plantations d’anacardiers et de manguiers, nos maisons et notre clôture disant que c’est sur ordre du Tribunal. Malgré tout cela, il reste encore des plants d’anacardiers qu’ils n’ont pas pu détruire et peut toujours servir de preuve de traces vivantes. Nous avons toutes les images et vidéos. Nous contestons cette décision et avons fait un recours à la cour suprême qui a ordonné l’arrêt de tout acte sur le terrain. Pire encore, ils ont commencé à vendre des parcelles à des particuliers bien avant même la fin du processus judiciaire, car la cour suprême n’a pas dit son dernier mot. », a-t-il expliqué au bout du file avant de poursuivre avec insistance avec plusieurs interrogations:  » « Le domaine nous appartient. Ils n’ont aucun document légal et vous pouvez leur demander s’ils peuvent indexer une seule preuve d’occupation soit par eux ou par un de leurs ancêtres : un arbre, une haie, une maison ou quoi que ce soit, ils ne pourront pas.

Monsieur le journaliste, je ne sais pas comment la justice a tranché et je ne suis pas un juge, mais comment comprenez-vous que dans un village, un jugement domanial soit rendu sans consulter les témoins encore vivant du village ? Nous connaissons bien l’histoire de notre village tout comme beaucoup de sages encore vivants peuvent raconter intégralement comment chaque famille est venue et s’est installée, personne ne peut modifier cela. Comment comprenez-vous que deux familles réclamant la propriété d’un terrain, chacun d’eux n’ayant aucun acte de cession ni de titre foncier établi, mais que l’une d’entre elle a déjà des traces vivantes d’occupation pendant que l’autre n’en a rien et que la justice leur attribut la propriété ?

Dans tous les villages, si vous réclamez la propriété d’un domaine acquis par héritage, vous devriez être capable de produire des preuves d’occupation soit par un de vos parents ou par vous-même. C’est vraiment curieux cette décision de justice !….

 

Nous sommes des cultivateurs qui vivent de nos travaux des champs, des plantations, alors que eux, ils sont réputés dans la vente des terrains, vous pouvez vous renseigner d’avantage au village sur la famille Gninantèninna, leur rapport avec les autres familles concernant les terres. La preuve est que, en plein procès contre nous, ils ont déjà vendu la quasi-totalité du domaine litigieux à des particuliers. C’est révoltant et c’est dommage.» ,a-t-il martelé au téléphone

 

Du côté de la famille Gninantèninna, qui a procédé à la destruction des installations sur le site, l’argument est tout autre : ils affirment que leurs adversaires ne détiennent aucune preuve légale de propriété. Ils évoquent plusieurs victoires judiciaires en leur faveur :

« Nous sommes en procès depuis plus de cinq ans et nous avons gagné à toutes les étapes. Le premier jugement a eu lieu au tribunal de première instance de Siguiri, ensuite à la cour d’appel, puis à la Cour suprême. Partout, la justice nous a donné raison. Nous avons également gagné lors de l’opposition des pièces. Donc nous avons les preuves que ce domaine nous revient, pas à la famille Sikafodela.

 

Monsieur le journaliste, demandez-leur de vous montrer un seul document officiel. Ils n’en ont pas. », explique Yakou Keita de la famille Gninantèninna.

 

Déjà un huissier s’est rendu sur le site où il a constaté la destruction des arbres fruitiers, notamment les manguiers et les anarcadiers situés sur un périmètre de 7 hectares environs . A cela s’ajoute la démolition de deux bâtiments, ensuite l’enlèvement de plusieurs bornes et délimitation.

 

Ce cas reflète un problème plus large de gouvernance foncière en Guinée, où l’absence de cadastre moderne, la faiblesse de l’administration foncière, et la dualité entre droits coutumiers et droit écrit alimentent de nombreux conflits. Il met en lumière la nécessité urgente de réformes en matière de gestion foncière, ainsi que d’un cadre légal plus inclusif, prenant en compte les réalités locales.

Nous y revreviendrons

N’famoussa Y

 

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