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Souffrir sans perdre l’indispensable joie : chemin de compassion et de solidarité tracé par Jésus Christ aux croyants

« Le coronavirus (COVID-19) met à nu la fragilité de notre existence». « Un virus microscopique paralyse le monde, et la présomption de l’homme de maîtriser son destin se transforme immédiatement en esclavage. Une entité si petite, que nous ne voyons même pas, nous domine et brise le rêve de vouloir construire le paradis sur terre », affirmait l’évêque émérite de Carpi, Mgr Francesco Cavina, au sujet de l’épidémie de coronavirus qui a frappé l’Italie.

La détresse humaine qui règne dans le monde est immense. Tous les jours les médias nous accablent d’images, de discours conçus comme des prêches  et de vidéos horribles: l’abattement nous saisit devant ces faits qui menacent l’existence humaine. Face à ce drame du monde, le drame des hommes, le croyant doit accepter d’y être plongé sans toutefois y perdre pied et s’y noyer: difficile équilibre ! Beaucoup, pour se libérer d’une angoisse qui leur paraît insupportable comme ce Covid-19 qui crée la psychose, préfère ne rien voir et ne penser à rien.

 

Sœur Emmanuelle s’écriait : « Et tu as osé passer devant ton frère, sans t’arrêter, sans le regarder, sans lui dire un mot d’amitié? »

 

Souffrir, en effet, avec ceux ou celles qui souffrent nous soulage de nos propres souffrances. Les réalités qui nous invitent à vivre ou à témoigner de la compassion, de l’amitié et de la solidarité sont nombreuses aujourd’hui. La compassion et la solidarité sont des forces qui doivent se manifester dans la faiblesse et la souffrance. Dieu veut que par la solidarité, nous ayons besoin les uns des autres (Cf. CEC 2426). Les réalités que notre monde connaît, indiquent qu’on est encore loin de la vraie solidarité. Cette détresse planétaire provoquée par le Covid-19 et son histoire plus profonde, est une invitation à vivre, à ressentir et à partager cette peine par amour pour les siens, dans l’espoir de les revoir un jour, à ne pas les abandonner à la misère…C’est une exigence de l’amitié. Et si les saints ont senti cette exigence de l’amitié, c’est qu’il y a un fondement à cette exigence.

Il y a aussi des moments où nous sommes appelés de façon plus pressante, à fixer notre regard sur l’Amour de Dieu, afin de devenir nous aussi «signes efficaces de l’agir du Père », des signes pour témoigner  de l’amour, de la tendresse et de la bonté de Dieu. Il est sans doute nécessaire de le rappeler, la dureté des cœurs, le cœur impitoyable, sont le signe d’un cœur malade que seul l’amour, la miséricorde et la bonté peuvent guérir. Voilà pourquoi selon le théologien africain, Okambawa cité par la CEREPTI dans son manuel de formation No3 : «La miséricorde est un médicament qui opère selon le principe homéopathique de la similitude ».

 

Selon lui, la souffrance de l’autre se guérit ou se soulage par la souffrance qu’on éprouve pour lui par la compassion, la tendresse, l’amour, la bonté, la présence … et cette compassion est source de joie et de force pour celui qui souffre, mais en retour celui qui compatit participe ipso facto à la joie de celui qui souffre de sorte que la souffrance partagée annule ou amoindrit la souffrance du premier souffrant.

 

Nous nous rappelons aussi que la détresse du monde dépend du péché du monde et de notre propre péché, cause du malheur des autres. Qui pourrait en effet, se prétendre tout à fait innocent du mal qui prolifère dans le monde ? Ne sommes-nous pas un peu aussi responsables : à quel niveau, dans quelle mesure ?

 

Raoul Follereau disait: « C’est parce que, nous n’aimons pas assez que nous sommes contraints de secourir ». En ce sens, la souffrance que nous éprouvons face au malheur des autres, comporte une sorte de valeur rédemptrice.

 

Quoi qu’il en soit, toute compassion entraîne la souffrance. Compatir, si l’on en croit l’étymologie latine, c’est pâtir avec. Il ne faudrait pas voir cette souffrance comme un sentiment inutile. Que signifie, en effet, par exemple, compatir à l’angoisse d’un malade condamné à brève échéance, si ce n’est accepter de prendre un peu de cette angoisse sur soi par notre présence aimante ? Quelle autre forme d’aide imaginer ? Le malade ne sera pas délivré de son angoisse, mais il sera plus fort pour la porter, parce qu’un autre la portera avec lui. « Compatir, disait Jean Vanier, ce n’est pas supprimer la souffrance, c’est la porter avec l’autre.  C’est ce que nous sommes invités à expérimenter dans cette période sombre de l’histoire humaine. Une expérience amoureuse ».

 

La « souffrance avec », à l’origine et au cœur de toute compassion, peut être aussi un don de Dieu pour nous faire comprendre sa propre compassion à lui. La brûlure de la compassion nous permet ainsi de découvrir la tendresse de Dieu à l’œuvre en nous, en nous donnant un autre regard sur nos frères. A partir de là, naît en nous, fruit de notre souffrance, une bonté attentive envers les autres qui leur viendra en aide, si la possibilité nous en est offerte.

 

On ne peut donc pas compatir sans souffrir. Et cependant nous ne devons pas perdre notre Joie. Comment soutenir ce paradoxe? Seulement dans la Foi qui me révèle Dieu et ses perfections, l’humilité qui me montre mon néant et ma dépendance envers Lui : me connaître dans ma pauvreté, ma fragilité, ma vulnérabilité.., Le (Dieu) connaître dans sa toute puissance dont nous pouvons accomplir l’œuvre  dans la vie de nos frères et sœurs.

 

Vous avez remarqué depuis longtemps que la Joie dans le service caractérisait, dans l’Évangile, l’attitude des apôtres et des disciples lorsque Jésus ressuscité leur apparaissait. Le mot revient sans cesse dans le récit des apparitions. Il revient aussi dans les Actes des Apôtres, lors des conversions et de la réception du baptême ou de l’effusion de l’Esprit. La Joie est, en effet, le signe du chrétien qui met toute sa foi en Jésus ressuscité. Alors, si vous éprouvez la Joie, n’en ayez pas de honte, comme si vous aviez l’impression de ne l’avoir pas méritée. Bien évidemment, vous ne l’avez pas méritée: elle est un pur don de Dieu qui manifeste la présence de l’Esprit en vous. D’ailleurs, notre sourire, émanation de notre Joie intérieure, comporte un mystérieux effet thérapeutique. Combien de fois n’avez-vous pas expérimenté qu’un sourire faisait naître chez le destinataire un autre sourire ?

 

Plus encore. Notre Joie du Ressuscité est aussi notre Joie de ressuscité. Je veux  dire que notre Joie, provenant du Christ ressuscité, signale aux autres que nous sommes déjà, nous aussi, mystérieusement ressuscités. De ce fait, notre Joie, outre sa valeur thérapeutique, devient un moyen d’évangéliser, même à notre insu. Qu’il doit être grand et bon celui qui donne la Joie à ces femmes et à ces hommes voués au service de leurs frères les plus malheureux! Voilà comment réagissent les pauvres.

 

En ces temps troublés, les chrétiens doivent se rappeler qu’au cours des siècles, leurs prédécesseurs ont eu à cœur d’accueillir la demande du bon samaritain : « Prends soin de lui » (Lc 10, 35). Dans les grandes pandémies du passé, ils ont été en première ligne pour être fidèles à cette demande du Christ, souvent au risque de leur vie. Nous ne pouvons pas répondre comme Caïn : « Suis-je le gardien de mon frère ? », quand Dieu lui demande : « Qu’as-tu fait de ton frère ? » (cf. Gn 4, 9). Merci à tous ceux qui nous apprennent comment être heureux dans un monde si malheureux, de vivre « le bonheur dans les larmes », à sentir la paix profonde de la remise à Dieu de notre être tout entier et du monde qui nous entoure, lui qui accueille toute douleur sans en être écrasé.

 

Je remercie tous ceux qui en ces moments où le coronavirus vient mettre à nu la fragilité de notre existence, de notre moi, donnent le témoignage de leur foi, d’une charité fraternelle vraie à l’endroit des victimes.

 

Soutiens, Seigneur, ceux qui se dépensent pour les personnes dans le besoin, même au prix de leur propre sécurité : bénévoles, infirmières, médecins qui se trouvent en première ligne pour les malades.

 

Frère Joseph Yakino Oularé

 

 

 

 

 

 

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